TCD et prévention du suicide: les apports de Marsha Linehan

La thérapie comportementale dialectique (TCD), développée par Marsha Linehan (1993), est un traitement très prometteur qui a révolutionné la prise en charge des troubles de la personnalité borderline, des pensées suicidaires et des psychotraumatismes.

La TCD a été utilisé très efficacement pour aider les personnes qui ont des difficultés à gérer leurs émotions et à nouer des relations étroites, et avec les personnes qui pensent à se faire du mal. La thérapie comportementale dialectique met l’accent sur les émotions – en particulier la façon dont nous apprenons à gérer les sentiments difficiles. Si vous vous êtes déjà trouvé émotions difficiles, et si ces émotions interfèrent avec vos relations, la TCD peut être très utile. Elle repose sur les hypothèses suivantes :

  • Si vos réactions émotionnelles ne sont pas prises en compte (par ceux qui ont pris soin de vous) lorsque vous êtes jeune, vous aurez peut-être des difficultés à identifier, étiqueter et gérer vos émotions à l’âge adulte.
  • Lorsque vous avez du mal à gérer vos émotions, cela se répercute sur vos relations avec les autres.
  • Nous augmentons souvent notre niveau de détresse en pensant à ce qui s’est déjà produit et à ce qui pourrait se produire dans le futur
  • La pleine conscience, qui est un ensemble de techniques permettant de revenir au moment présent, peut vous aider à gérer les émotions et les pensées pénibles.
  • Il est parfois efficace d’essayer de changer les émotions négatives, et parfois d’accepter ces émotions difficiles. Vous pouvez développer des compétences pour vous aider à décider de l’approche à adopter dans diverses situations.

Le traitement par la thérapie comportementale dialectique a été développé à l’origine pour traiter les troubles de la personnalité limite. Les personnes chez qui l’on diagnostique un trouble de la personnalité limite ont souvent des difficultés relationnelles et ont souvent des antécédents de pensées et d’actions suicidaires. Au cours des dernières années, la TCD a été utilisée pour aborder une variété de conditions, y compris le PTSD (Becker et Zayfert 2001).

Ce mode de thérapie comporte plusieurs aspects :

  • la pleine conscience,
  • l’efficacité interpersonnelle,
  • la régulation des émotions
  • et la tolérance à la détresse.

pour en savoir plus: http://depts.washington.edu/uwbrtc/resources/treatment-resources/

Videos en français sur les compétences enseignées dans la TCD: https://www.youtube.com/playlist?list=PLVlLbxLe1Eo7TlxEvhebgfdMVHzgiSts-

Trousse d’outils pour la prévention du suicide (Centre for Suicide Prevention, Canada)

Ce document, intitulé « Trousse d’outils pour la prévention du suicide », est publié par le Centre for Suicide Prevention (filiale de l’Association canadienne pour la santé mentale), vise à guider les proches, aidants ou amis d’une personne confrontée à des pensées suicidaires dans l’élaboration d’un plan de sécurité, outil clé pour prévenir les crises suicidaires. Mis à jour en juin 2020, il explique en détail les principes, étapes et bonnes pratiques pour créer et mettre en œuvre ce plan, en soulignant son approche collaborative et axée sur les forces de la personne.


Résumé de la méthode proposée pour créer un plan de sécurité :

  1. Objectif du plan :
    Aider une personne à anticiper et gérer une crise suicidaire en s’appuyant sur ses ressources personnelles, ses stratégies d’adaptation et son réseau de soutien. Il est conçu hors période de crise, lorsque la personne est en mesure de réfléchir clairement.

  2. Étapes clés :

    • Étape 1 : Identifier les signes avant-coureurs (pensées, émotions, situations ou comportements annonciateurs d’une crise).
      Exemple : Une dispute, des pensées comme « Je n’en peux plus ».

    • Étape 2 : Lister les stratégies d’adaptation internes (activités apaisantes, relaxation, exercice physique).
      Exemple : Respiration contrôlée, promenade à vélo.

    • Étape 3 : Noter les personnes et lieux réconfortants pouvant distraire des pensées suicidaires.
      Exemple : Appeler un ami, aller dans un parc.

    • Étape 4 : Inscrire les contacts de soutien proches (famille, amis) à contacter en cas de besoin.

    • Étape 5 : Répertorier les professionnels et services d’urgence (thérapeutes, hôpitaux, lignes d’écoute).
      Exemple : Numéro des Services de crises du Canada : 1-833-456-4566.

    • Étape 6 : Sécuriser l’environnement en retirant les moyens de suicide (médicaments, armes).

    • Étape 7 : Définir les raisons de vivre (personnes, passions, valeurs).
      Exemple : « Mon chien dépend de moi. »

  3. Mise en œuvre :

    • Le plan doit être accessible (copie papier, téléphone) et révisé régulièrement en fonction des besoins.

    • Les aidants jouent un rôle actif : ils aident à identifier les ressources, rappellent les raisons de vivre et vérifient la sécurité de l’environnement.

  4. Différence avec un contrat de non-suicide :
    Le plan de sécurité se distingue d’un « contrat de non-suicide », jugé peu efficace et coercitif. Il privilégie une approche collaborative, centrée sur l’autonomie et l’espoir, plutôt que sur des promesses contraignantes.


Cette méthode proactive et structurée permet à la personne à risque de s’appuyer sur ses forces, son réseau et des stratégies concrètes pour traverser une crise, tout en impliquant activement son entourage dans un cadre bienveillant et adaptatif.

Extrait: « Bien que certaines personnes songent au suicide très brièvement ou seulement une fois dans leur vie, d’autres y pensent de façon continuelle ou intermittente au fil du temps. Les pensées suicidaires peuvent constituer un véritable fardeau pour les gens, et les tenir en otage. Être en proie à ces pensées, c’est faire l’expérience de l’obscurité absolue, du désespoir, de la douleur, et rien n’a d’importance si ce n’est d’arrêter cette souffrance.

En tant qu’amis et aidants, nous pouvons nous sentir démunis devant l’idée d’aider ou de soutenir ces personnes; nous pouvons croire que notre seule option est d’emmener notre proche aux urgences, qu’un soutien médical d’urgence est nécessaire.

Si la personne présentant un risque suicidaire est actuellement en situation de crise, la salle d’urgence offre en effet le niveau de soins approprié. Autrement, l’élaboration d’un plan de sécurité avec la collaboration d’une autre personne est la meilleure façon de procéder.

Cette trousse d’outils explique en quoi consiste un plan de sécurité, la manière de créer un tel plan avec une personne potentiellement à risque, le fonctionnement des plans de sécurité, et les raisons pour lesquelles ils font partie des meilleurs outils pour atténuer les comportements suicidaires éventuels. »

 

FRANCE INTER (2020) Confinement, déconfinement, comment ça va psychologiquement ?

FRANCE INTER (2020) Emission le telephone sonne 09/05/20; Confinement, déconfinement, comment ça va psychologiquement ?

Psychologiquement, comment avez-vous supporté cette épreuve et comment vous apprêtez-vous à vivre le déconfinement qui s’annonce ?

Au téléphone sonne ce soir :  après plus de sept semaines de confinement, comment allez-vous ?

Voilà deux mois que psychiatres, psychologues, psychothérapeutes alertent sur les dégâts collatéraux de cette pandémie pour la santé mentale des Français…
A la fois pour ceux qui allaient plutôt bien jusque-là, mais aussi et surtout pour ceux qui souffraient déjà avant cette crise d’une ou plusieurs pathologies.

Avec nous, pour en parler :

  • Antoine Pélissolo,  Psychiatre, chef de service dans le Pôle de Psychiatrie du CHU Henri Mondor à Créteil. Son dernier livre : « Vous êtes votre meilleur psy » (Poche)
  • Amine Benyamina, Psychiatre, addictologue, chef du service de psychiatrie de l’hôpital Paul-Brousse (Villejuif). Dernier livre : « Comment l’alcool détruit la jeunesse » (Albin Michel)
  • Fatma Bouvet de la Maisonneuve, Psychiatre à l’Hôpital Sainte-Anne, auteure de « Le Choix des femmes » (Odile Jacob)
Les invités

La détresse sous-estimée des Canadiens endeuillés par le suicide

La détresse sous-estimée des Canadiens endeuillés par le suicide

Selon l’OMS, une dizaine de personnes est profondément touchée par chaque suicide. Cela signifie que 40 000 Canadiens et 10 000 Québécois sont affectés par le suicide chaque année.

Retrouvez l’intégralité de cet article ici

Victoria Carmichael Gestionnaire du Groupe de recherche et d’intérêt en psychiatrie sociale (SPRING) à l’Institut Douglas 

Les survivants doivent souvent porter ce qu'on appelle le «deuil par suicide», une forme particulière de deuil et d'adaptation après le décès d'un membre de la famille, d'un ami ou d'un contact étroit.

Les survivants doivent souvent porter ce qu’on appelle le «deuil par suicide», une forme particulière de deuil et d’adaptation après le décès d’un membre de la famille, d’un ami ou d’un contact étroit.

Le suicide demeure un grave problème de santé publique au Canada et au Québec. Près de 4000 Canadiens décèdent par suicide chaque année, dont le tiers est survenu au Québec. Malheureusement, pour chaque suicide complété, il y a beaucoup plus de personnes qui en sont touchées.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une dizaine de personnes sont profondément touchées par chaque suicide, également appelées «survivants au suicide». Cela signifie que 40 000 Canadiens et 10 000 Québécois sont profondément touchés par le suicide chaque année.

Les survivants doivent souvent porter ce qu’on appelle le «deuil par suicide», une forme particulière de deuil et d’adaptation après le décès d’un membre de la famille, d’un ami ou d’un contact étroit.

De nombreuses recherches ont été menées sur le deuil par suicide dans différents groupes, y compris les conjoints, les parents et les frères et sœurs. Fait important, cette recherche montre que le deuil par suicide est associé à de nombreux effets négatifs sur la santé mentale, à des problèmes de santé physique comme la cirrhose et les problèmes de sommeil, au mauvais fonctionnement scolaire et professionnel et à des retards dans l’accès aux services et soutiens.

Des risques plus importants pour certains groupes

Certains groupes sont plus à risque d’avoir des problèmes de santé mentale, notamment le suicide. En effet, les partenaires et les conjoints de personnes suicidées sont particulièrement à risque par rapport à d’autres groupes, en particulier les hommes qui sont également moins susceptibles de demander de l’aide. De plus, les recherches indiquent que les mères qui ont perdu un enfant par suicide courent un plus grand risque de suicide que les pères.

Ces résultats psychologiques, sociaux et de santé négatifs ont amené certains chercheurs à s’interroger sur pourquoi cette forme de deuil est associée à un si mauvais bien-être et à un si mauvais fonctionnement. L’une des explications concerne la nature du suicide; en particulier, le fait que ces décès, d’une manière générale, sont plus traumatisants en raison de leur nature souvent inattendue et violente.

La stigmatisation est une autre explication. La stigmatisation se divise souvent en deux grandes catégories: la stigmatisation externe, ou les opinions stigmatisantes du grand public, et la stigmatisation interne, ou la honte et la discrimination ressenties par les personnes touchées.

Les stigmatisations

Des études montrent qu’il existe des niveaux élevés de stigmatisation externe à l’égard des familles des victimes de suicide. Les personnes en deuil par suicide signalent également des niveaux élevés d’autostigmatisation, ce qui peut mener à l’isolement, à la honte et à des sentiments de rejet. Notamment, la stigmatisation perçue, ou la conscience subjective des opinions stigmatisantes des autres, a été provisoirement liée aux taux élevés de suicide observés chez les adultes endeuillés par le suicide.

Les taux de suicide au Canada ont augmenté dans divers groupes démographiques, plus particulièrement chez les femmes et les jeunes.

L’expérience du deuil suite à un suicide exige donc une plus grande attention de la part des décideurs et des fournisseurs de soins de santé, surtout à la lumière des tendances actuelles en matière de suicide et des changements sociaux. En fait, les taux de suicide au Canada ont augmenté dans divers groupes démographiques, plus particulièrement chez les femmes et les jeunes.

De même, notre société connaît des changements sociaux rapides qui peuvent aggraver les expériences de suicide des personnes endeuillées. D’éminents sociologues ont souligné que notre société est devenue de plus en plus individualiste, avec moins de mariages, plus de divorces et un plus grand nombre de personnes vivant seules. Cette individualisation peut présenter des défis uniques pour les personnes endeuillées par suicide, en particulier les personnes âgées et les adolescents qui connaissent des taux élevés de solitude.

Les progrès technologiques récents peuvent également augmenter le nombre de personnes touchées par le suicide. La recherche empirique suggère que le nombre de personnes exposées au suicide est significativement plus élevé que l’estimation de l’OMS. En effet, une étude a révélé qu’environ 135 d’entre elles sont exposées à chaque suicide (ils connaissaient la personne décédée), dont six connaissent un bouleversement majeur dans leur vie quotidienne et 26 ont besoin de soutien ou de services.

L’impact des réseaux sociaux a tendance à être beaucoup plus important que la vie réelle. Ainsi, Internet et les médias sociaux peuvent augmenter le nombre de personnes exposées au suicide, bien que ces communautés en ligne peuvent aussi transformer l’expérience généralement négative du deuil par suicide en une expérience plus positive et partagée. Certains peuvent partager leur deuil en ligne pour faire face à leur perte, tandis que d’autres peuvent créer un mémorial en ligne pour quelqu’un qui est décédé par suicide, comme une forme de deuil collectif, par exemple.

Les résultats sociaux et de santé négatifs, associés au deuil à la suite d’un suicide, et conjugués à l’augmentation des taux de suicide et à des changements sociétaux, signifient que nous devons accorder une plus grande attention au bien-être des Canadiens endeuillés par le suicide. Nous avons tous un rôle à jouer pour soutenir et protéger les vulnérables de la société.

Êtes-vous dans une situation de crise? Vous avez besoin d’aide? Si vous êtes au Canada, trouvez des références web et des lignes téléphoniques ouvertes 24h par jour, dans votre province en cliquant sur ce lien.