Suicide des personnes écrouées en France : évolution et facteurs de risque (2014)

Géraldine Duthé, Angélique Hazard, Annie Kensey (2014) Revue Population-F, 69 (4), 2014, 007-038 : Suicide des personnes écrouées en France : évolution et facteurs de risque

L’univers carcéral est-il propice au suicide ? L’est-il davantage aujourd’hui? Dans un article de Population paru il y a près de 40 ans, Jean-Claude Chesnais établissait pour la France une nette sursuicidité des personnes détenues par rapport à la population libre. À partir des données administratives de la direction de l’Administration pénitentiaire du ministère de la Justice, Géraldine Duthé, Angélique Hazard et Annie Kensey mettent à leur tour en évidence la sursuicidité de la population masculine écrouée par rapport à la population générale. Tandis que les taux de suicide ont relativement peu varié au cours du temps dans la population générale, ils n’ont cessé d’augmenter en prison et y sont aujourd’hui sept fois plus fréquents qu’en milieu libre. Analysant le suicide des personnes écrouées entre 2006 et 2009, les auteurs identifient les principaux facteurs de risque liés à la condition carcérale

 

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Suicide mimétique ou Effet « Werther »

Suicide au travail et effet Werther: à propos des suicides à France Telecom

Effet Werther

L’effet Werther ou suicide mimétique est un phénomène mis en évidence en 1982 par le sociologue américain David Philipps, qui a étudié la hausse du nombre de suicides suivant la parution dans les médias d’un cas de suicide. Le nom est inspiré par une vague de suicides s’étant produit en Europe lors de la parution du roman de Goethe, Les Souffrances du jeune Werther .

Le roman Les souffrances du jeune Werther, a été publié en 1774. Il raconte le suicide d’un jeune homme à la suite d’amours déçues. Peu après sa parution, une mode s’empare des jeunes allemands, qui imitent les façons vestimentaires du couple sujet du roman, Charlotte et Werther. Pendant les mois qui suivent, on assiste à une vague de suicides par revolver selon les mêmes modalités que celle utilisées par le héros, qui conduit l’Église à demander l’interdiction du livre en Europe, et les autorités allemandes à Leipzig, danoise à Copenhague, et italiennes, à réaliser cette interdiction.

Umberto Eco s’interroge sur le fait qui pousse des être humains réels à compatir aux souffrances de héros de fiction plus volontiers qu’au sort d’inconnus dans le monde vivant des souffrances réelles. Il conclut que « la fiction suggère que peut-être notre vision du monde réel est aussi imparfaite que celle des personnages de fiction. C’est pourquoi des personnages de fiction réussis deviennent des exemples primordiaux pour la condition humaine « réelle ». »

L’effet Werther de David Phillips
En 1974, le sociologue David Philips indique que, malgré ces interdictions, le lien de cause à effet entre cette vague de suicides et la parution du roman n’a pas pu être étudiée. Il cite Durkheim, pour qui, si le suicide d’un proche peut générer quelques cas dans son entourage, ceci ne peut affecter une hausse du taux de suicide au niveau national. Toutefois, en étudiant les cas de suicide entre 1947 et 1968 en Angleterre et aux États-Unis, Phillips démontre une corrélation entre publication dans la presse de cas de suicide, et hausse des suicides immédiatement après, la corrélation étant d’autant plus forte que la relation du cas a été très médiatisée. En 1986, il constate le même type de corrélations dans les sept jours suivants, en s’appuyant cette fois-ci sur des cas relatés par la télévision au niveau national. Il montre que là encore la hausse est d’autant plus grande que le relayage médiatique a été intense. Bien que d’autres théories aient pu être avancées, dont des causes d’erreur de traitement statistique, il conclut à un lien direct entre exposition par la télévision et hausse du taux. Il baptise ce phénomène d’effet Werther. Il dupliquera l’année suivante ces études à des œuvres de fiction.

Il réalise enfin une synthèse de ses travaux en 1992, sous le titre Suicide and the media, où il met en avant des effets d’imitation et de suggestion.

(Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre).

http://prevention.suicide.free.fr/wp-content/uploads/suicide_mimetique.mp4

Extrait de l’émission « Spécimen », de la télévision suisse RTS (2014) Non verbal et mirroring – Effet caméléon : tous des moutons?

De nouvelles échelles de risque suicidaire dans le DSM-5

à lire sur http://www.psychomedia.qc.ca

L’American Psychiatric Association (APA) a rendu publique, sur son site internet, une version préliminaire des critères diagnostiques pour la 5e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), communément appelé DSM (DSM-V). Ce manuel constitue la référence la plus largement utilisée pour le diagnostic des troubles psychiatriques par les professionnels de santé dans plusieurs pays.

De nouvelles échelles de risque suicidaire pour les adultes et les adolescents sont ajoutées afin d’aider à identifier les personnes les plus à risque, avec pour but d’améliorer les interventions pour un large éventail de troubles mentaux; les échelles incluent des critères basés sur les recherches tels que le comportement impulsif et l’abus d’alcool chez les adolescents.

Voir aussi l’article sur ce sujet paru dans le huffington post:

Le nouveau guide, publié en mai, met davantage l’accent sur les idées et les comportements suicidaires en tant que question transversale des troubles mentaux et introduit de nouvelles façons d’interpréter et de réagir à ces deux types de comportements.

Tout d’abord, les chapitres du DSM-5 identifient désormais les caractéristiques particulières qui rendent les personnes plus vulnérables au suicide. Ce risque est spécifiquement reconnu dans des diagnostics allant de l’anorexie mentale à la schizophrénie en passant par l’état de stress post-traumatique, ce qui reflète la recherche qui a montré que le risque élevé n’est pas seulement un problème lié aux troubles dépressifs ou aux troubles de la personnalité. Par exemple, le texte indique que des taux de suicide de 12 pour 100 000 par an sont rapportés dans le cas de l’anorexie et que l’évaluation complète des personnes présentant ce diagnostic devrait inclure une évaluation des idées et des comportements liés au suicide. En attirant l’attention sur les tendances suicidaires associées à un éventail de diagnostics, le DSM-5 aide les cliniciens à fournir les meilleurs soins aux patients – et à sauver des vies.

En outre, une nouvelle partie du manuel, la section III, comprend plusieurs outils d’évaluation destinés à aider les cliniciens à évaluer les patients de manière cohérente et complète. Ces mesures transversales des symptômes ciblent des fonctions mentales plus générales ainsi que des mesures de gravité spécifiques à un trouble. Elles évaluent un individu dans 13 domaines psychologiques différents, dont l’un est le suicide. Les mesures sont orientées vers les limites diagnostiques et thérapeutiques d’un concept strictement catégorique. Les symptômes, comme le comportement suicidaire, ne rentrent souvent pas précisément dans une seule catégorie.

 

INSERM (2009) La mortalité par suicide en France en 2006

INSERM (2006) La mortalité par suicide en France en 2006

Albertine AOUBA, Françoise PÉQUIGNOT, Laurence CAMELIN, Françoise LAURENT et Éric JOUGLA – CépiDc – INSERM

En 2006, plus de 10 400 décès par suicide ont été enregistrés en France métropolitaine. Les suicides sont aux trois quarts masculins. Le taux de suicide a baissé de 20 % en 25 ans, mais il a diminué trois fois moins vite que l’ensemble des morts violentes. En outre, depuis 2000, il augmente pour les 45-54 ans, notamment pour les hommes.

Pour les 25-34 ans, les suicides constituent la première cause de mortalité pour les hommes et la deuxième pour les femmes, derrière les tumeurs. Le taux desuicide augmente avec l’âge, plus fortement pour les hommes que pour les femmes. Le principal mode de suicide est la pendaison pour les hommes et la prise de médicaments pour les femmes. Les taux de décès par suicide les plus élevés sont le fait des veufs et des divorcés.

Les disparités régionales de mortalité par suicide sont marquées : les régions de l’Ouest et dans une moindre mesure du Nord et du Centre sont nettement au-dessus de la moyenne nationale. Au sein de l’Europe de l’Ouest, la France présente les taux de décès par suicide les plus élevés après la Finlande.

Études et résultats – 702 – La mortalité par suicide en France en 2006  (pdf – 605.7 ko – 4/12/2009 )

SEMAINE MÉDICALE DE LORRAINE NANCY 2012 – ACTUALITÉ SUR LA PRISE EN CHARGE DES SUICIDANTS.

SEMAINE MÉDICALE DE LORRAINE NANCY 2012 – ACTUALITÉ SUR LA PRISE EN CHARGE DES SUICIDANTS. 

Crina PAPUC, Arnaud COLAS (Service de psychiatrie CPN de Laxou): Évaluation  du risque suicidaire : les techniques  en RUD (SML Novembre 2012)

Fabienne LIGIER (PH) Suicide et tentative de suicide chez l’enfant et l’adolescent (SML Novembre 2012)

Dr Pichené: Les dispositifs de veille après TS ou comment rester en contact (Connectedness) (SML Novembre 2012)

Caroline FARRUGIA (2012) Thèse de médecine: LE SUICIDE EN MILIEU PÉNITENTIAIRE

Caroline FARRUGIA (2012) LE SUICIDE EN MILIEU PÉNITENTIAIRE ; ETAT DES LIEUX ET ENQUÊTE  PRELIMINAIRE SUR LA FORMATION DU PERSONNEL

image_hippocratesRésumé:
Le suicide est un réel problème de santé publique, tant par les pertes en vies humaines qu’il provoque, que par les problèmes psychologiques et sociaux dont il témoigne. C’est toujours un événement douloureux, qui renvoie à la culpabilité des proches et à la responsabilité des personnes présentes. En milieu carcéral, le nombre des suicides augmente significativement depuis plusieurs années. Ainsi, l’Administration pénitentiaire et les Ministères de la Santé et de la Justice se sont saisis du problème. Deux rapports ont été publiés en 2004 et en 2009. Leur mission était d’évaluer et de proposer un programme de prévention du suicide des personnes détenues. Ces deux rapports concluent à une série de recommandations, dont un des axes principaux est la formation spécifique de l’ensemble du personnel intervenant en milieu pénitentiaire. En Juin 2012, nous avons réalisé une enquête sur la formation spécifique à la prévention du suicide des personnels intervenant en prison. Il s’agit d’un questionnaire d’auto-évaluation, distribué à l’ensemble du personnel de la Maison d’Arrêt de Grenoble-Varces. Les résultats confirment l’hypothèse de départ du manque de formation spécifique des personnes travaillant en prison. En effet, moins de la moitié du personnel a reçu cette formation. De plus, certaines personnes y ont assisté il y a plus de dix ans, et aurait besoin d’un rappel de formation. Au total, la moitié du personnel ressent un besoin de formation complémentaire, et ne se sent pas bien formé en tant qu’acteur de la prévention du suicide. Cependant, les réponses concernant les données épidémiologiques sont rassurantes. Les facteurs de risques de suicide et les périodes les plus à risque sont repérés par les intervenants. De même, les moyens de suicide les plus utilisés sont connus. Finalement, huit ans après le premier rapport ministériel, on constate que les objectifs prédéfinis en termes de formation des intervenants ne sont pas atteints.

Thèse Caroline FARRUGIA

(Si le lien est brisé: 2012GRE15097_farrugia_caroline_1_D)

Conseil de l’Europe (2013) « Annual reports SPACE I & SPACE II 2011 »

Statistiques pénales annuelles sur la population carcérale et sur les mesures et sanctions appliquées dans la communauté (03/05/2013)

Parutions des derniers bulletins statistiques du conseil de l’Europe (voir Space I p136)

http://www3.unil.ch/wpmu/space/files/2013/05/SPACE-1_2011_English.pdf

http://www3.unil.ch/wpmu/space/files/2011/02/Council-of-Europe_SPACE-II-2011-E.pdf

Derniers chiffres concernant les taux de suicides en prison:

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On constate dans cette compilation annuelle de données sur les prisons européennes que la grande majorité des pays voisins de la France ont des taux moins élevés de suicide, comme l’Allemagne (8,1), l’Italie (8,0) ou encore la Suisse (9,7) .

Parmi les quelques pays ayant des taux plus élevés que la France figurent les Pays-Bas (17) et la Belgique (16,7).

Certains pays comme l’Espagne, la Pologne, l’Ukraine, la Roumanie ou la Bulgarie ont eux des taux déclarés sensiblement inférieurs à la moyenne, et plusieurs petits pays n’ont recensé aucun suicide.

Mais les comparaisons doivent être nuancées, préviennent les auteurs du rapport, soulignant que les différents pays n’employaient pas forcément les mêmes méthodes pour établir les données transmises.

 

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En France, le taux de suicide dans les prisons est deux fois supérieur à la moyenne constatée dans les 47 pays membres du Conseil de l’Europe, selon le rapport SPACE I 2011 publié  à Strasbourg par l’organisation paneuropéenne (publié le 03/05/2013), basé sur les chiffres des années 2010/2011.

 

Il y a eu en France 95 suicides de détenus en 2010, année de référence du rapport sur ce point, soit un taux de 15,5 suicides pour 10.000 détenus, contre une moyenne de 6,7 pour l’ensemble des pays membres.

Référence: Chapitre sur les suicide en prison, Council of Europe, SPACE I 2011

INSEE(2012) Taux de décès par suicide

INSEE (18 décembre 2012)  Taux de décès par suicide

Près de 10 400 décès par suicide ont été enregistrés en France métropolitaine en 2010. Avec un taux standardisé global de 14,7 pour 100 000 habitants, la France se situe dans le groupe des pays à fréquence élevée de suicide (moyenne 10,2 pour 100 000 habitants dans l’UE à 27).

Les taux de décès par suicide ont diminué d’environ 20 % entre 1990 et 2010, ce qui représente une baisse du nombre de suicides de 8 %.

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http://www.insee.fr/taux_deces_suicide.pdf

POMMEREAU Xavier (2005) Conférence publique sur le suicide et ses raisons, revenant sur grand nombre d’idées reçues.

Xavier POMMEREAU (2005) Conférence publique sur le suicide et ses raisons, revenant sur grand nombre d’idées reçues.

Auteur : POMMEREAU Xavier  (psychiatre français, spécialiste de l’adolescence en difficulté. Il est l’un des pionniers de la prévention du suicide chez les jeunes en France, et a ouvert il y a vingt ans la première unité hospitalière spécifiquement dédiée aux jeunes suicidaires)

Producteur : DCAM – Département Conception et Assistance Multimédia – Université Bordeaux Segalen

Label UNT : UN3S

Conférence publique sur le suicide et ses raisons, revenant sur grand nombre d’idées reçues.

Le mot suicide a été introduit par un prêtre au 18ème siècle pour contrebalancer un mot trop fort homicide. La mortalité en France a baissé de 40% sauf le suicide qui n’a baissé que de 20%. 3 suicidés sur 4 sont des hommes plutôt âgés en milieu rural qui utilisent des méthodes très violentes comme la pendaison et l’arme à feu.

Le suicide chez le sujet jeune est aussi un souci de santé publique. 20 % des accidents de la route sont en fait des suicides non reconnus. Le portrait robot du suicidant en revanche est féminin, vit en milieu urbain et est âgé de moins de 40 ans. La méthode utilisée est essentiellement l’intoxication par psychotropes. En situation de survie, le suicide est rare.

La conférence a été donnée à l’Université Victor Segalen Bordeaux 2 dans le cadre du cycle de conférences « L’invité du Mercredi » / Saison 2004-2005 sur le thème « La mort – Regards croisés ». Service culturel Université Victor Segalen de Bordeaux 2 / DCAM /
Résumé rédigé par le SCD médecine Nancy