Seena Fazel et al (2023) « Facteurs de risque individuels pour la mortalité par suicide dans la population générale

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L’article de Seena Fazel et al., intitulé « Facteurs de risque individuels pour la mortalité par suicide dans la population générale : une revue parapluie« , publié dans The Lancet Public Health en novembre 2023, fournit une synthèse exhaustive des facteurs de risque individuels pour le suicide. Cette étude, qui compile des méta-analyses, vise à identifier et évaluer les facteurs de risque pour mieux orienter les stratégies de prévention, en particulier pour les formateurs en prévention du suicide. En tant que revue parapluie, elle analyse 33 méta-analyses couvrant 38 facteurs de risque, en se basant sur 454 études primaires, dont 93 % proviennent de pays à revenu élevé.
Méthodologie
L’étude a systématiquement recherché dans cinq bases de données bibliographiques, couvrant les publications jusqu’au 31 août 2022, pour inclure des méta-analyses d’études observationnelles sur les facteurs de risque individuels pour la mortalité par suicide dans la population générale. Les facteurs biologiques, génétiques, périnataux et écologiques étaient exclus du champ d’étude. Les tailles d’effet ont été synthétisées et comparées entre domaines, avec des tests de robustesse, notamment pour les effets d’études de petite taille et les biais de signification excessive. Les intervalles de prédiction ont été calculés pour évaluer la réplicabilité, et le risque de biais a été évalué avec l’instrument AMSTAR 2. 
Résultats principaux
Les résultats identifient une large gamme de facteurs de risque, classés par domaine et magnitude :
  1. Facteurs de risque forts :
    • Les tentatives de suicide précédentes et l’idéation suicidaire émergent comme des facteurs de risque majeurs, avec des rapports de risque allant de 6 à 16, indiquant un risque très élevé.
    • Ces facteurs sont particulièrement pertinents pour identifier les individus à haut risque, car ils reflètent des antécédents directs de comportement suicidaire.
  2. Troubles psychiatriques :
    • Les troubles psychiatriques, tels que la dépression, les troubles anxieux, les troubles de personnalité ou les troubles liés à la substance, sont associés à un risque très élevé de suicide, avec des rapports de risque entre 4 et 13.
    • Cela souligne l’importance de l’évaluation et de la gestion des troubles mentaux dans les stratégies de prévention.
  3. Maladies physiques et facteurs sociodémographiques :
    • Les maladies physiques comme le cancer et l’épilepsie, ainsi que les facteurs sociodémographiques tels que le chômage, un faible niveau d’éducation ou l’isolement social, augmentent typiquement le risque de suicide d’un facteur deux.
    • Ces facteurs, bien que moins intenses, sont fréquents et nécessitent une attention particulière dans les évaluations de risque.
  4. Autres facteurs de risque :
    • Le contact avec le système de justice pénale, le placement en institution pendant l’enfance, l’accès aux armes à feu et le décès par suicide d’un parent sont également associés à un risque accru de suicide.
    • Ces éléments soulignent l’importance de considérer les antécédents familiaux, sociaux et légaux dans l’évaluation du risque.
  5. Analyses stratifiées par sexe :
    • Les associations entre ces facteurs de risque et le suicide sont généralement similaires pour les hommes et les femmes, bien que des différences subtiles puissent exister et nécessiter des recherches supplémentaires.
Qualité des preuves et limites
Malgré l’identification de nombreux facteurs de risque, la qualité des preuves est limitée par plusieurs aspects :
  • Une signification excessive et une hétérogénéité élevée ont été observées, ce qui suggère des biais potentiels dans les méta-analyses.
  • Les intervalles de prédiction indiquent une faible réplicabilité pour près des deux tiers des facteurs de risque identifiés, ce qui signifie que les résultats pourraient ne pas être cohérents dans de futures études.
  • De plus, 93 % des études primaires proviennent de pays à revenu élevé, limitant la généralisation aux contextes à faible et moyen revenu.
Ces limites soulignent la nécessité de recherches supplémentaires, notamment des études de haute qualité pour établir des liens causaux et améliorer la robustesse des preuves.
Implications pour les formateurs en prévention du suicide
Pour les formateurs, cet article offre des enseignements clés pour concevoir et améliorer les programmes de formation en prévention du suicide :
  • Identification des individus à haut risque : Les formateurs devraient souligner l’importance d’identifier les personnes avec des antécédents de tentative de suicide ou d’idéation suicidaire, car ces facteurs sont fortement associés au risque de suicide. Cela peut inclure des exercices pratiques pour enseigner comment poser des questions directes et évaluer ces risques, par exemple en utilisant des modèles comme « Ask, Care, Escort ».
  • Reconnaissance des troubles psychiatriques : Il est crucial de former les professionnels à reconnaître et à gérer les troubles psychiatriques, qui constituent un facteur de risque majeur. Cela peut inclure des modules sur l’évaluation des troubles mentaux, la connexion aux services de santé mentale et la sensibilisation aux signes de détresse psychologique.
  • Approche holistique : Les formateurs devraient inclure dans leurs programmes la considération des maladies physiques et des facteurs sociodémographiques comme contributeurs au risque de suicide. Par exemple, enseigner comment les maladies comme le cancer peuvent exacerber la détresse psychologique, ou comment le chômage peut augmenter l’isolement social, nécessitant une approche intégrée.
  • Sensibilisation aux populations spécifiques : Les formateurs devraient sensibiliser les professionnels aux risques accrus chez les personnes ayant eu des contacts avec le système de justice, celles ayant été placées en institution pendant l’enfance, celles ayant accès aux armes à feu, et celles ayant un antécédent familial de suicide. Cela peut inclure des scénarios de formation pour gérer ces cas spécifiques, comme des simulations de rôle pour intervenir auprès de personnes en détresse avec un passé de placement en institution.
  • Compréhension des limitations : Il est important de communiquer les limitations des preuves actuelles et la nécessité de recherches supplémentaires pour affiner les stratégies de prévention. Les formateurs peuvent encourager une approche prudente, en soulignant que, bien que de nombreux facteurs de risque soient identifiés, leur réplicabilité est limitée, et des études causales sont nécessaires.
Tableau récapitulatif basé sur les résultats de l’étude :
Catégorie de facteur de risque
Exemples
Impact sur le risque de suicide
Facteurs forts
Tentative de suicide précédente, idéation suicidaire
Rapports de risque de 6 à 16, très élevé
Troubles psychiatriques
Dépression, troubles anxieux, troubles de personnalité
Rapports de risque de 4 à 13, très élevé
Maladies physiques et sociodémographiques
Cancer, épilepsie, chômage, faible éducation
Risque typiquement doublé
Autres facteurs
Contact justice, placement enfance, armes, décès parental
Risque accru, magnitude variable
Implications dans la formation :
Implication pour la formation
Action concrète pour les formateurs
Identification des individus à haut risque
Enseigner à poser des questions directes sur l’idéation suicidaire
Reconnaissance des troubles psychiatriques
Former à évaluer et connecter aux services de santé mentale
Approche holistique
Inclure maladies physiques et facteurs sociaux dans les évaluations
Sensibilisation aux populations spécifiques
Simuler des interventions pour des cas spécifiques (justice, enfance)
Compréhension des limitations
Communiquer les besoins de recherches supplémentaires
Cette revue souligne que la mortalité par suicide est un phénomène multifactoriel, nécessitant des stratégies de prévention qui couvrent à la fois des approches individuelles et populationnelles. Les formateurs peuvent utiliser ces informations pour améliorer leurs programmes, en se concentrant sur l’identification des individus à haut risque et sur la compréhension des divers facteurs contribuant au risque de suicide. Cependant, la qualité limitée des preuves actuelles, notamment la faible réplicabilité, appelle à une prudence dans l’interprétation et à des efforts continus pour renforcer la base de données scientifiques.
L’article offre un cadre précieux pour les formateurs, en mettant en lumière les facteurs de risque clés et leurs implications, tout en soulignant la nécessité d’une approche nuancée et basée sur des preuves solides.

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